Lait de Palme

Aurore aux mains blanches et aux ongles de rose se leva, irradiant déjà la terre toute entière. Sur cette terre se tenaient des continents. Dans ces continents se tenaient des pays. Et dans un de ces pays il existait une jolie région. Et dans cette région il existait une parcelle de forêt inhabitée et calme, peuplée d’animaux sauvages. Et dans cette forêt vivaient des chats dans 4 Clans distincts. Et un de ces Clan avait un territoire. Et dans ce territoire il y avait un camp. Et dans ce camp il y avait une pouponnière. Et dans cette pouponnière gémissait une chatte écaille…

Les lueurs du jour éclairaient mon nouveau nid, mon nouveau chez-moi. Depuis la dernière fois que j’avais parlé à Fève de Cacao, mon ventre grossissait toujours plus, comme si il fallait que ma peau éclate sous la pression constante de mes futures boules de poils. Le thorax tendu à craquer, je ne tentais plus de me lever, vu mon état de convalescence. Les autres reines m’encourageaient, et il y avait toujours quelqu’un pour me donner de la nourriture. Mon compagnon était venu me voir une seule fois, sous prétexte de vérifier que tout allait bien en tant que guérisseur, même si nous savions tous les deux pourquoi il venait me voir.

Je savais que c’était pour aujourd’hui. Je n’aurais pas pu tenir un jour de plus, avec mes pattes ankylosées. De plus, mes chatons me mangeaient, me dévoraient, me prenaient mes forces. J’espérai que ce ne soit pas des octuplés comme Cendre de Phénix, je trouvai cela trop fatigant autant de chatons à surveiller. Quatre ou cinq, cela va, mais sept ou huit ! Vous imaginez ? L’enfer ! J’adorai les petits, mais quand même….

J’avais réfléchi au sujet de leurs origines. J’avais fini par me décider à leur dire qui était mes frères et sœurs, mais je refusai de leur dire qu’ils étaient les arrières-arrières-petits-enfants d’Etoile de Feu. Cela leur aurait fait la grosse tête, et je ne voulais surtout pas cela. Quant à leur père, c’était à lui de décider s’il voulait mettre ses enfants dans le secret… J’avais tellement peur qu’ils se laissent manipuler par d’autres et qu’ils révèlent notre histoire ! Les jeunes sont tellement naïfs et manipulables…

A présent, le soleil inondait ma fourrure dans la fraîcheur de l’aube. Avec surprise, je me rendis compte que nous étions le premier jour du printemps. Je souris, heureuse que mes chatons naissent en ce jour le plus magique, celui de la renaissance de la vie. Sentant la douleur commencer, je plantai mes griffes dans le sol. Comme en transe, je gémissais, sachant que si j’échouai mes chatons ou moi mourraient. Il fallait que j’y arrive. Il le fallait. Haletante, j’expulsai un premier bébé. C’était une jolie chatonne blanche tachée de brun. Je n’eus pas le temps de m’extasier sur ce premier succès, car un deuxième arrivait déjà. M’accrochant de plus belle à la terre, je réussis à faire sortir de mon ventre tendu une deuxième chatonne tigrée comme son père et avec des yeux comme les miens. Décidément, que de filles ! Là encore, pas le temps de faire un discours, le troisième arrivait. Et pendant ce temps, les autres dormaient d’un sommeil de plomb ! Un petit cri, et il sortit lui aussi. Un mâle, enfin ! Ce n’était pas trop tôt. Dans un dernier soupir, j’envoyai mon dernier chaton en-dehors de mon corps. Le pauvre était tout maigre, tout petit, tout raplapla ! J’espérai qu’il survivra.

Je déchirai les placentas, et mes bébés commencèrent à respirer. Je les approchai de mon corps, pour qu’ils puissent téter et se réchauffer. Puis, contemplant mon œuvre, je pris ma respiration pour les baptiser.

- Toi qui es née la première, tu t’appelleras Patte de Châtaigne, car ton pelage est celui de cette graine.
Toi, qui es née la deuxième, tu t’appelleras Patte de Lavande, car ton odeur est celle des fleurs de lavande.
Toi, qui es né le troisième, tu t’appelleras Petit Cerisier, car ton regard est celui de son écorce.
Toi, qui es né le dernier, tu t’appelleras Petit Nougat.

Je fermai les yeux, épuisée par tous ces efforts. Je n’arrivai pas à réaliser. « C’est ta première portée ! Tu es maman ! » cria une petite voix dans ma tête. Je souris. Oui, à présent je suis mère.

[J’ai fait avec les noms que vous vouliez, si il y a un changement ou que je me suis trompée, dites-le dans votre post =P]

Ombre et lumière. Bercé entre les bras suaves et incertains d'une mer de douceur, je ne voulais être arraché à cette torpeur rassurante et maternelle. Tout n'était que flou, incertain et éphémère -mais pourtant éternel, car je ne voulais, je ne pouvais penser que cet instant s'arrêterait. Mais déjà s'emparaient de moi les griffes de la réalité pour m'arracher à un monde d'inconscience heureuse et caressante. Autour de moi, les autres se perdirent dans notre océan voluptueux tandis que je résistais mais ne tardai à céder sous les ondes interrompues qui agitaient ce trépas que je voudrais éternel. Et soudain, survint une vague plus importante que les autres. Je me sentis arraché à ma baie de sommeil pour affronter l'air, la vie qui déjà jaillit en moi, par milles bonds d'avidité. Je ne put résister, pris entre les mailles du filet qui m'attirai toujours et encore au loin de mon îlot pacifique, et griffai pour tenter de me raccrocher à mon lac d'espérance, en vain, car celui ci filait entre mes doigts sans se laisser écorcher.
Un halo aveuglant irradiait de ce nouveau monde hostile et inconnu. Une rosée de dentelle perlait avec douceur aux herbes hautes, tel un papillon de mousseline qui s'envolerait au gré du vent. Peu à peu, mon environnement se dessinait autour de moi. La mine renfrognée, je peinais à marcher et m'étalai sur le sol après une tentative pataude.

-Meow.

D'instinct, je me dirigeai vers le lait de ma maternelle et fourrai un museau affectueux sous sa fourrure hospitalière. Pour la première fois, j'étais heureux d'être ici sur terre, et mon coeur rayonnait à cette pensée, la pensée... D'être. D'être quoi ? D'être, tout simplement.