Une Reine, et bientôt des chatons.

Voilà, finalement Anis étoilé avait contribué au bien de son Clan. Bon, pas de la manière la plus noble qui soit. On a beau tourner ça dans tous les sens, le guerrier cendré n'a fait ça que dans son intérêt personnel, en fin de compte. Car il avait rendu Renaissance du Phénix heureuse, donc ça le rendait heureux. Mais quand même, grâce à lui, et surtout si tout se passait bien, le Clan du Vent devrait très bientôt bénéficier de nouveaux chatons. Des chatons magnifiques et très forts, les meilleures recrues qui soient. Évidemment, quand on sait qui sont leurs parents, il ne peut en être autrement...
Genre.
Pfiou, Anis étoilé et son ego sur-dimensionnée...

Fier de lui, comme toujours, le guerrier sortit de la tanière des guerriers. Il était assez tôt et on pourrait presque se demander pourquoi Anis étoilé jouait les lève-tôt depuis quelques temps déjà. En fait, Renaissance du Phénix était devenue une Reine, et séjournait maintenant dans la pouponnière, loin de son amant d'un jour. Et oui, un jour, une seule fois, c'est tout ce qu'il aura fallu à Anis étoilé pour perpétuer son espèce. Il s'en serait presque réjouit. C'est quand même un signe de virilité indiscutable. Mais malheureusement, ça l'empêchait de s'endormir aux côtés de sa belle chaque soir, de dormir près d'elle, et de la voir dès le matin, au moment où il ouvre les yeux... Maintenant pour la voir, il fallait s'y prendre tôt, avant le départ des patrouilles auxquelles il participait, et se déplacer jusqu'à la pouponnière.
Voilà pourquoi Anis étoilé s'amusait à jouer les lève-tôt.

Le chat gris passa l'entrée de la pouponnière et aussitôt l'odeur du lait chaud et des chatons mouillés lui prit les narines. Cette odeur assez forte aurait pu l'écœurer s'il n'y était pas habitué, à force... À se demander comment il avait fait pour rester enfermé là-dedans durant toute sa petite enfance...
En fait, je crois qu'on a là une partie de la réponse à la question "Mais pourquoi Patte d'Anis s'évertuait autant à s'échapper de la pouponnière pour faire des bêtises ?".

Nis repéra tout de suite l'endroit où se trouvait Renaissance du Phénix. Un petit coin calme où elle se reposait la plupart du temps. La pauvre... Ils n'en avaient jamais parlé mais il était presque sûr qu'elle devait quand même bien s'ennuyer.
Il se dirigea directement vers elle avec un grand sourire, le même à chaque fois qu'il la voit. Au même moment il vit un petit chaton gris pas loin. Anis étoilé se fit la réflexion qu'il voyait quand même souvent ce chaton en ce moment... Mais impossible de se rappeler son nom... Un truc qui rime avec harmonie, peut-être...


« Hey Renaissance du Phénix ! Bien dormi ? »

L'histoire du chaton qui avait un nom qui rimait avec "harmonie" lui sorti de la tête aussi vite qu'elle y était rentrée, et il se perdit dans le regard de Nix'. Après tout, c'est normal qu'il y ai des chatons, c'est quand même la pouponnière...
De sa langue rappeuse, il lécha le bout du nez de la chatte noire et s'assit en face d'elle.

Avait-il bien fait d'oublier si vite ce chaton ?

Renaissance du Phénix avait bien dormi cette nuit là, couchée très tôt la veille. Mais le matin, elle se réveilla un peu avant le lever du soleil, sentant des pattes minuscules frapper son ventre de l'intérieur. Cela aurait pu intimider plusieurs reines. Nix', elle, était effrayée, effrayée de ne peut-être pas voir ses chatons naitre.

Pourtant, voilà qu'elle séjournait dans la pouponnière depuis une bonne lune, elle n'allait pas tarder à mettre bas. Son ventre était plus rond que le soleil même, mais aussi luisant pour la future mère. Quelle joie de pouvoir porter la prochaine fierté du Clan !

La guerrière ferma un instant les yeux, profitant de cet instant de calme et de réconfort. Bientôt, elle mettrait bas et elle pourrait se vanter aux Assemblées, devant les autres reines, qu'elle avait eu de sublimes chatons. En espérant qu'ils ne soient pas handicapées, bêtes,... Mais non ! Ce sont tout de même les petits dAnis Etoilé !

En parlant du loup, mmmh grrrr ! Il rentra dans la pouponnière, sa belle fourrure grise cendre ébouriffée par une longue nuit de sommeil. Le matou se faufila dans l'épais buisson de ronce et lança un regard vers Petite Mélodie. Ah, Nix' devra peut-être lui en parler de cette petite là.

Le chasseur lui lécha le museau et s'assit devant elle. La reine tenta de s'asseoir mais elle fut prise d'une horrible courbature. Avec une grimace de douleur, elle se recoucha aussitôt et sourit maladroitement à son amant. Elle devait paraître faible à avoir mal tout le temps, mais elle n'y pouvait rien, porter des chatons n'était pas sans douleur. Elle tâta sa litière des griffes et miaula timidement :

Bonjour mon coeur. Alors ? Une autre matiné difficile ?

Avoir des enfants, c'est avant tout être des parents.

Anis étoilé se donna quelques coup de langue sur la patte et se la passa sur la face, histoire de. Ça faisait quelques jours qu'il ne prenait plus le temps de faire soigneusement sa toilette à son réveil, tellement il était pressé de voir Nix. Surtout ces derniers jours. Elle n'avait jamais été aussi proche de mettre bas... Et y a pas à dire, même avec le ventre déformé, elle était magnifique. Elle était incontestablement la chatte qui portait le mieux le nom de Reine, dans cette pouponnière.

À force, il avait fini par se faire à l'idée de devenir père. J'ai envie de dire "c'est pas trop tôt". Mais bon, ce que j'ai envie de dire ne regarde personne, en fait. Et des songes fleuris où courent pleins de mini Anis étoilé et de mini Renaissance du Phénix un peu foufou remplissaient de plus en plus son esprit.

« Moi, une matinée difficile ? Tu veux rire... Je viens de me lever donc bon... »

Finalement, le guerrier gris était devenu un minimum attentionné durant cette dernière lune. Comment je peux dire ça ? Et bien, tout d'abord, il remarqua tout de suite que sa belle était toute ankylosée. Nan, rigolez pas, ça a l'air anodin comme ça, mais on parle d'Anis étoilé, faut se mettre à son niveau.

Il pencha la tête et jeta un coup d'œil critique à la litière de Renaissance de Phénix.

« Mais personne ne s'occupe de prendre soin des litières des Reines ici ? Où sont donc passés les chatons turbulents à qui on donnait ce genre de punition ? Moi je le faisait tout le temps, quand j'étais petit. »

Anis étoilé se rendit compte trop tard qu'il avait utilisé le "quand j'étais petit". Horreur et damnation ! Encore un peu et notre guerrier finira comme un Ancien croulant, racontant des histoires qui commencent toujours par "De mon temps...". Faut se reprendre là.
Le chat gris en aurait presque rit. Presque.
Pour l'instant c'était juste flippant.

Après tout, le prochain stade, après Guerrier, c'est Ancien.

Mais pour l'instant Anis étoilé avait encore à devenir père, et c'est bien pour cela qu'il était là, à veiller plus ou moins -disons, dans la limite de ses moyens- sur Renaissance du Phénix.

Renaissance du Phénix n'écoutait plus son compagnon s'inquiéter. Elle fronça le museau et sentit que quelque chose n'allait pas. Non, ça n'allait pas du tout même. Elle ferma les yeux et prit une bonne bouffée d'air.
Allez, c'est rien qu'une courbature... Une toute petite courbature. Soudain, l'image d'un autre mot se forma dans sa tête et elle lança un regard engoissé vers Anis Etoilé, le visage déformé par l'angoisse.

Anis Et...

Elle finit sa phrase en un cri aigu et se recroquevilla sur elle-même. cette douleur là s'était violemment abattue sur elle, comme un éclair frappe un arbre.
Elle voulut se relevr, mais le poids de son ventre plein combiné à la souffrance l'obligèrent à se recoucher brutelament sur sa couche. Elle n'avait même pas le courage de ramper vers lui tellement elle était effrayée !
Elle entrouvrit la gueule et dit sur une voix pleine de souffrance :

Des contractions !

Sa petite corpulence faisait qu'elle ressentait bien la douleur et les chocs. Elle ploya légèrement et racla le sol poussiérieux de ses longues griffes, les dents serrées. Quelle horrible, horrible sensation !
Elle gémit et poussa un autre cri qui sembla même déchirer le monde de la reine.

Hou lala lala lala...
Houuuu lala...
Hououou la lala lalalalala...
Houla... Ça va être chaud...

Anis étoilé se rapprocha de Renaissance du Phénix qui semblait quémander sa présence, sans pouvoir bouger. Elle était littéralement tordue de douleur, et c'était tellement palpable que le guerrier souffrait pour sa belle...
Elle cria et tout à coup Anis se demanda si c'était vraiment normal.

Hou lala c'est quoi ce binz...

Fébrile, le chat regarda tout autour de lui, cherchant de l'aide, et miaula le plus fort qu'il pu :

« De l'aide, mais que quelqu'un appelle de l'aide, m'enfin ! »

Jurant dans ses moustaches, Anis étoilé se rendit compte qu'il était totalement impuissant. Il s'agissait de la chatte de sa vie, de ses enfants, de sa famille ! Et il ne pouvait rien faire, rien du tout. C'était rageant. Et frustrant.

Il se colla à Renaissance du Phénix pour lui apporter du réconfort, seule chose qu'il pouvait lui donner, faute d'avoir fait des études de médecine un apprentissage de guérisseur.
Il lui lécha le bout du nez de sa langue rappeuse et essaya de lui sourire pour la calmer.

« Bon, euw, chérie, je sais que c'est facile à dire mais là c'est le moment où il faut rester calme et surtout bien respirer, hein ! Inspire, expire... Voilà c'est ça... Et puis... Et puis... Bon faut pas avoir fait Polytechnic guérisseur pour comprendre que tu vas accoucher !! Mais ça va bien se passer... »

J'espère.

« Je te le promet ! »

Et il essaya d'esquisser à nouveau une ébauche de sourire. Un Anis étoilé stressé, c'est rare. Mais alors un Anis étoilé stressé comme ça, c'est carrément dément.

Renaissance du Phénix se mit à haleter, souffrant le martyr. C'était arrivé si vite ! Elle n'avait même pas le courage de hurler tellement elle était effrayée. Elle allait mettre au monde ses petits, mais ne savait pas si elle y survivrai. La douleur était insuportable.
Elle se tourna vers Anis Etoilé et lui envoya un regard implorant. Mais elle savait que quoiqu'il ferait, cela ne l'appeserai pas. Elle se contenta de souffler :

A... Anis Etoilé... J'ai peur... J'ai mal, je t'en supplie... Ai... Aide-moi...

Elle se tut dans une autre contraction et ferma fort ses yeux bleus. Finalement, elle serra les dents et laissa son instinc l'envahir entièrement. Entre deux douleurs, elle écouta sa conscience et se mit à pousser comme lui hurlait cet instinc, l'instinc maternel.
Elle grogna et gémit, les larmes ruisselantes sur sa petite tête noire. Elle le voulait, oui ! Elle voulait voir vivre ses petits, ses enfants. Sa progéniture.
Elle plongea son museau rose dans la douce fourrure grise de son amant, un réconfort essentiel pour la chasseuse. Elle avait bien attendu son amour pour... Euh... Pourquoi elle était trempée ?
Elle risqua un coup d'oeil vers son cul arrière-train et ramarqua du sang et de l'eau.

# Ce... C'est bon signe ? Oh, Symphonie Céleste, qu'est-ce que tu branles ? #

Rnaissance du Phénix se remit au travail. pas même une herbe pour soulager sa douleur, quel calvaire ! Mai elle n'en avait pas beoin, elle pouvait se débrouiller seule, pour montrer au chasseur cendré qu'elle était capable de lui donner ses petits avec la souffrance qui les accompagnait. Elle avalerait toute la douleur pour ses enfants.
Elle poussa du mieux qu'elle put Et sentit que quelque chose bougeait. Oui ! Elle allait réussi à en expulser un ! Elle fitun ultime effort et sentit une créature minuscule sur sa cuisse. Elle se retourna et se mit à couvrir de coups de langue un chaton très petit à la fourrure trempée et aux yeux clos. Et de un !
Pour le second, elle prit plus de temps mais finit par le faire sortir de son ventre. Elle retomba en arrière, épuisée et rayonnante. Elle n'en avait plus, c'était terminé, et elle était en vie. Deux chatons encore mouillés se tortillaient contre son ventre dégonflé, appuyant sur les mamelles avec de toutes petites pattes.
La guerrière regarda son compagnon, les yeux mi-clos, et souffla :

Tu vois ? Ce sont... Nos petits...

Papa, papa... T'es papa...

Anis étoilé aussi comprit que Renaissance du Phénix allait devoir se débrouiller seule. Il donnait un peu l'impression d'avoir le beau rôle, comme ça. Il n'avait pas de souffrance à endurer, pas de dilemme du style "Je pousse ? Je pousse pas ?", et en plus il ne faisait rien, pour la bonne et simple raison qu'il ne pouvait rien faire...
Mais pour un mâle comme Anis étoilé, ne rien pouvoir contrôler, c'est de la torture.

Il assista à la naissance de ses enfants, totalement impuissant mais tellement fier. Fier de la Reine noire qui avait surmonté ça toute seule, mais aussi fier de ses enfants, même s'ils venaient de naître et qu'ils n'étaient probablement que des nids à problèmes, comme tous les chatons.

Il lécha le sommet du crâne de Renaissance du Phénix pour lui donner un peu de courage, et il l'aida aussi à nettoyer les petits. Il fallait les lécher fermement. Il ne savait pas trop pourquoi... Un instinct étrange enfouit en lui qui lui dictait que ça les aiderait à respirer...
Alors c'est ça, être parent ?
Les deux petites boules à peine poilues qui lui servaient de gosses avaient déjà trouvé les mamelles de leur mère, et tétaient avidement. C'était compréhensible. Alala, à peine nés et déjà pressé d'épuiser par tous les moyens possibles leur pauvre maman...

« Ils sont si beaux... »

Souffla Anis étoilé. La panique était un peu retombée. Le Clan s'était agrandit. Renaissance du Phénix allait enfin pouvoir se reposer. Et Anis étoilé... Bah Anis étoilé il va rester encore un peu gaga sans rien faire, à fixer le vide, hein...

Il détacha finalement son regard de ses chatons pour se plonger dans les yeux à peine ouverts de Renaissance du Phénix.

« Je sais que j'y suis pas pour grand chose, mais je suis si fier ! »

Il ronronna et se coucha aux côtés de la mère de ses enfants, la laissant se reposer, enfin.

Viii ^w^