Valse de Minuit se faufila vivement hors de la tanière des guerriers, quittant sans regrets l'antre qui lui avait semblé brusquement si minuscule et étouffant. La nervosité se lisait dans sa posture raide et ses prunelles alertes, mais il y avait aussi de l'orgueil, l'arrogance qui dégoulinait inlassablement du guerrier bicolore et engloutissait tout le reste. Avoir le futur du clan entre ses mains, ce n'est pas rien. Un bloc d'argile brut à creuser et à façonner, pour faire d'un pauvre tas de terre un guerrier parfait. Valse se surprit à sourire, tandis qu'il trottinait rapidement vers la tanière des apprentis. Il ne lui fallut guère de temps pour apercevoir le pelage bicolore de son novice, roulé en boule et apparemment endormi. Il lui donna un petit coup de museau, avant de reculer, comme dégoûté par ce contact.

- Allez, debout. Va te prendre à bouffer et retrouve moi devant l'entrée. Et grouille toi !

Tout en douceur et subtilité. Valse fit volte-face et sortit de la tanière, avant de s'arrêter à quelques pas. Son regard s'aventura vers la pile de gibier, mais il renonça en grommelant. Si ce premier entrainement avait bien réussi quelque chose pour l'instant, s'était à lui couper l'appétit. Ainsi, il s'attela à se toilette, couvrant son poitrail immaculé de coups de langue vigoureux, tout en surveillant du coin de l'œil le campement endormi, attendant que Nuage du Dragon ait décidé à pointer le bout de son nez.

Valse interrompit sa toilette, suivant du regard son apprenti qui accourait, haletant. Il commença par s'excuser platement d'une façon très courtoise, ce qui surprit légèrement le matou bicolore - bien qu'il n'en laissa rien paraitre. Bah, s'était Nuage du Dragon quoi, fallait s'attendre à ce genre de chose avec lui. Un gentlecat. Valse plissa les yeux, ne pipant mot (histoire de faire monter le suspens), sa queue enroulée autour de ses membres relevée de façon à masquer son museau. Il réfléchissait. Puis, soudain, il cligna des paupières et écarta sa queue de son visage en la faisant glisser le long de ses pattes, à la manière d'un serpent qui se déroule. Un rictus apparenté à un sourire vint se glisser sur son visage, dégageant sa mine terne et blasée, et il miaula, aussi doucereux et sarcastique qu'à l'accoutumé ;

- Hm, oui, j'y veillerai. Soigneusement. Il s'interrompit, théâtral. Aujourd'hui, pas de blabla ; je vais déjà voir ce que tu sais faire, en commençant par tes techniques de chasse.

Sur ces mots, il se releva gracieusement, avant de faire signe au novice en smoking de la suivre. L'anxiété était toujours là, cachée, à papillonner dans son ventre, mais il s'appliquait à l'ignorer, trottinant fièrement sur le sentier menant au grand caillou.

Valse suivit du coin de l'œil son apprenti, qui grimpa de suite sur l'énorme cailloux, avant de dévisager le paysage qui s'offrait à sa vue, béat. Le mentor leva les yeux au ciel, un brin exaspéré par cette réaction exagérée devant un truc aussi banal. Pourtant, il ne dit rien. Parce que quand même, lui même ne pouvait le nier, aussi banal cela puisse être, s'était pas si moche que ça. L'étendue d'herbe verdoyante s'étalait à perte de vue, le chemin du tonnerre à peine visible ne semblant qu'un fin trait grisâtre à l'horizon. Le ciel était d'un intense bleu clair, lumineux mais pas au point d'exploser les mirettes. Au loin, quelques minuscules silhouettes félines se déplaçaient à toute allure, sûrement en train de courser un lapin. Il faisait assez chaud et sec, l'été entamait son règne. Le matou bicolore se détacha de la nature rieuse et ramena son regard vert pâle sur Nuage du Dragon, qui revenait vivement vers lui.

- Bon... Euh, je fais quoi là ? Je dois chasser quelque chose sur le Cailloux ? C'est que... En fait je... Ma mère ne m'a pas appris à chasser, et même d'instinct je n'imagine pas quelle position adopter.

Valse se contenta de lui indiquer d'un signe de tête un lieu plus dégagé, un peu à l'écart du grand cailloux. Ouais, il n'avait pas très envie de dépenser sa salive pour rien, aujourd'hui.

- J'vais commencer par te montrer les bases de la chasse au lapin. La première chose à savoir, c'est que ces bestioles ont un odorat très développé, qui leur permet de sentir ta présence avant même de te voir. Il faut donc bien faire gaffe à toujours être face au vent, si tu veux pas risquer de voir ton repas déguerpir. La position est plutôt facile à apprendre ; tu dois prendre appui sur tes pattes arrières, et en faisant le moins de bruit possible, ramper vers ta proie. Il s'arrêta un instant, histoire de reprendre son souffle. Lorsque tu penses être assez près, tu bondis et essaye de le faire tomber en agrippant ses pattes. Plus vite tu l'auras, mieux ça voudra, ils ont tendance à s'essouffler moins vite que nous. J'te montrerai plus tard comment tuer proprement sans foutre du sang partout - à moins que tu le saches déjà. Mais d'abord, commence par me montrer comment tu te débrouilles avec la position.