Le courant de la rivière était très fort, beaucoup trop fort pour Petite Lueur. Il se débattait pour ne serait-ce que pour glaner un petit peu d'air et survivre. A la place, il inhala une goulée d'eau glacée et sombra dans le fond de la rivière. Il allait mourir, c'était certain. Toute sa courte vie, qui avait démarré il y a 2 lunes à peine, allait être réduite à néant. Tout ce qu'il a surmonté, la perte de ses parents, les réprimandes de son Clan, tout ça allait partir en fumée. Cela n'aura servi à rien, il aurait dû se laisser aller, quitte à mourir quelques jours plus tôt. Voilà, ça y était, l'aboutissement de sa vie terrestre. Le seul réconfort qu'il avait était celui de savoir qu'il allait rejoindre le Clan des Étoiles et accéder à la chasse éternelle, en retrouvant peut-être ses parents, qu'il croyait morts. Alors qu'il perdait conscience, tout devint noir et il sentit du sol sous ses pattes. De la mousse. Il redressa la tête et sentit qu'il était à l'extérieur, entièrement sec et se rendit compte qu'il était en plein cauchemar. Il se redressa donc en chassant de ses pensées ce mauvais rêve et entreprit de faire sa toilette. Il était si tôt que le Soleil n'avait pas encore dardé un de ses rayons.
Une fois sa toilette terminée, Petite Lueur, timide, se demanda si le fait qu'il prenne une pièce de gibier à cette heure ne dérangerait pas le Clan. A mon avis, si j'en prends une maintenant, je ne devrai pas en prendre plus tard. Mais cela fait trop de temps sans manger, j'aurai très faim. Hum... Mieux vaut essayer de me rendormir, puisque je n'ai pas faim. Il fit donc ce qu'il croyait juste et se recoucha en boule sur son lit de mousse. Un moment passa, au bout duquel il n'avait toujours pas retrouvé le sommeil. Il sortit donc de la pouponnière et traversa le camp jusqu'à l'extérieur en ruminant ses pensées : Ce cauchemar... Ce n'en était pas un. Cela me paraissait trop réel. Mais qu'est-ce que ça pouvait être d'autre. Brr... Une chose est sûre, je ne suis pas rassuré. Mais bon, je me fait peut-être des idées, après tout. Il regarda le ciel, dans lequel brillaient encore quelques étoiles. Il faut vraiment que j'aille me recoucher Il fit demi-tour et reprit la direction du camp, et arrivé à l'intérieur de celui-ci, vit un guerrier solitaire qui, apparemment, ne trouvait pas le sommeil lui non plus. Petite Lueur entreprit de l'esquiver, et longea la paroi, essayant de ne pas se faire remarquer. Le guerrier tourna la tête dans sa direction et plissa les yeux. Le chaton s'arrêta comme si les yeux de ce félin le paralysaient. L'autre haussa les épaules et Petite Lueur détala jusqu'à la pouponnière sans demander son reste. se couchant sur son lit, il se détendit et s'endormit presque instantanément entre son frère et sa sœur.

Un rayon de Soleil vint troubler le sommeil sans rêves de Petite Lueur, mais celui-ci se sentait trop ankylosé pour bouger. Il entendit quelqu'un s'ébrouer et reconnut l'odeur de Petit Songe, son frère cadet. Le chaton ne bougea toujours pas, et son petit frère sortit de la pouponnière, pensif. Après un certain temps, Petite Lueur se tourna vers Petite Ombre, sa sœur benjamine. Elle dormait à poings fermés, et Petite Lueur ne voulut pas la déranger, alors il se leva, mais, dans l'obscurité de la pouponnière, ne vit pas la queue de la chatte noire et marcha dessus, ce qui eu pour effet de la réveiller. Instantanément, Petite Lueur se confondit en excuses :

_Désolé Petite Ombre, je ne voulais pas... Je n'ai pas fait exprès, je n'avais pas vu...

Sous le regard interrogatif et curieux de sa sœur, le chaton voulut sortir de la pouponnière, mais cette fois, il n'y parvint pas, car son frère était justement en train d'y entrer. Il les salua et, tout à coup, il sembla penser à quelque chose qui l'égayait. Oh non... Pas encore une de ses farces..., se dit Petite Lueur. Avant qu'il puisse empêcher son frère de dire n'importe quoi, les mots sortirent de la bouche de celui-ci plus vite qu'un torrent déchaîné, métaphore qui rappela au chaton un mauvais souvenir :

_S'il vous plait , partons dans la forêt, j'aimerais tellement voir le pays.

Quoi?! Partir du... camp?! Mais tu es totalement fou!, voulut répondre Petite Lueur. A la place, il ouvrit de grands yeux, pendant que son frère s'asseyait et commençait à faire sa toilette. Le chaton se reprit et réfléchit, une fois de plus : Je me demande si c'est vraiment une bonne idée de faire ça. On pourrait se perdre et devoir passer la nuit dehors, il fait froid, la nuit. Et je ne peux pas m'empêcher de penser à mon cauchemar... Il faudra que je fasse attention à ne pas m'approcher de la rivière.Même si ce n'aurait de toute façon pas pu empêcher Petit Songe de partir, il répondit, après mûre réflexion :

_Je ne suis pas sûr. Imagine juste que nous nous perdions, ou que nous tombions sur un prédateur, ou une vipère, ou sur une patrouille de guerriers... Petite Ombre, qu'en penses-tu?

Petite Lueur ne voulait pas paraître froussard aux yeux de son frère, mais il ne pouvait pas s'empêcher de douter de la réussite de cette expédition. Il s'en remit donc au jugement de Petite Ombre, dont l'avis était aussi important que celui des deux autres chatons de la fratrie. Il se dandinait d'une patte sur l'autre, se promettant de tout faire pour empêcher son frère et sa sœur de partir, mais de les accompagner s'ils décidaient de fuguer quand même.