Pour Petite Joie, les secondes s'étiraient inexorablement depuis l'accident de Petit Trèfle. A la Pouponnière, elle ne jouait plus avec son petit sourire enfantin aux lèvres. Son visage restait fermé et triste, comme loin de tous et caché derrière une prison de fer. Un voile semblait cacher ses yeux, et elle regardait souvent ailleurs. Dans la lune, la mioche. On peut le dire franchement. Un coup à droite, un coup à gauche, la chatte rigolait toujours avec les autres mais moins souvent qu'autrefois. De plus en plus tête en l'air, bref, ce n'était plus exactement la même. Et surtout, elle avait une phobie des blaireaux. La moindre allusion à ce sujet et vous êtiez plus mort que vif.

Mais aujourd'hui elle était toute heureuse et avait les deux pieds sur terre, pour le plus grand bonheur de son frère et de sa soeur. C'était presque comme si elle dansait sur place, la petiote. Mais il y avait une raison : elle avait l'autorisation de sa demi-soeur pour pouvoir aller voir Petit Trèfle ! L'aubaine ! Elle se nettoya le mieux qu'elle put son pelage brun et blanc. Frémissante, elle sautilla dehors. Le soleil se levait déjà, ou plutôt il était déjà bien haut. Un regard vers l'antre des guerriers lui suffit pour pouvoir se ruer chez Fleur-de-Pas-d'Âne, la guérisseuse. Ou plutôt se ruer "chez" Petit Trèfle.

"Petite Joie !!! Tu es venue!"

La chatte le vit, enfin. Allongé, il n'avait pas l'air de souffrir le matyre, pourtant son moignon de queue pendait lamentablement. Son pelage était sale, comme si le chaton n'était pas d'humeur à se laver. Mais ça allait changer, non, dès qu'il sortirait de chez la guérisseuse ? Il était presque guéri, non ? Normalement ? La chatonne osa lui lécher le front, avant de reculer précipitemment, le nez rosi par la brise de dehors :

"Comment vas-tu ? Tu es bientôt guéri ?"

Finalement, il avait l'air content lui aussi. Il jeta un regard sur son propre pelage, manifestement gêné par le fait qu'il n'était pas spécialement propre - même carrément dégoûtant x) -. Mais la petite femelle ne lui en voulait pas. Ce devait être encore plus horrible pour lui, de rester planté là sans rien faire à longeur de journée, lui qui était si aventureux et casse-cou ! Mais est-ce que ce trait de caractère allait rester, après ce qui s'était passé ? Peut-être que oui, peut-être que non. Petite Joie n'avait pas l'impression que le chaton avait beaucoup changé, mais ce n'était qu'une impression, illusion douteuse qui malgré la jeunesse de la petite, était claire comme l'eau et ne la faisait plus douter. Ils avaient sûrement, inconsciemment mais réellement, changé depuis l'accident. Peut-être que la perte de sa queue l'avait rendu moins tapageur et rapide. Peut-être que la frayeur l'avait rendue plus méfiante. Seuls eux deux le savaient. Plus ou moins.

"Si tu appelles "guéri" avoir un moignon de queue, alors oui je suis guéri"

Toujours cet humour, mais il était un peu plus noir à présent. La jeune chatte se mordit la lèvre inférieur, baissant la tête. Evidemment qu'il ne pourrait plus jamais balancer sa queue au gré du vent comme avant. Mais au moins il était vivant, c'était déjà ça, non ? Si Cendre de Phénix ne l'avait pas sauvé, il serait peut-être mort sous ses yeux et elle aurait eu le remords de ne pas avoir réussi à le sauver toute sa vie. Enfin elle avait quand même le remord de ne pas l'avoir aidé et d'avoir accepté d'aller en forêt, n'était-ce pas mille fois pire ?

Remarquant sûremment l'air peiné de la chatonne, Petit Trèfle reprit aussitôt :

"Mais je pourrais devenir apprenti et tant que tu ne me laisse pas à cause de ma queue alors je peux supporter ce qu'il en reste, tu es bien la seule qui continue à venir me voir, même ma famille ne m'approche plus..."

Petite Joie se mordit fort fort la langue pour ne pas pleurer. Ce que disait le blessé était pourtant la triste vérité. Cendre de Phénix et les autres chatons ne venaient quasiement pas le voir, Etoile du Rapace encore moins. Sa mère se faisait énormément de soucis, mais elle discutait uniquement avec Fleur de Pas-d'Âne. La chatonne soupçonnait la lieutenante d'éprouver de la honte, d'abord d'avoir un fils infirme bâtard mais en plus de s'être blessée face au blaireau. Mais ses hypothèses n'allaient pas plus loin. Elle n'avait pas envie de savoir ce que pensaient les autres. Ce qu'il lui semblait important, c'était ce que pensait Petit Trèfle.

- Je m'en fiche de ta queue. Si tu deviens apprenti et que tu peux vivre sans, alors je peux aussi. C'est quand même toi qui devrait me laisser tomber, tu crois pas ?

Le chaton ouvrit la bouche, éberlué par ce qu'elle venait de dire. Manifestement, il ne s'attendait pas à ça. Peut-être qu'il se souvenait d'une Petite Joie plus douce, plus gentille (et moins rentre-dedans aussi (a)). Bref, il était sous le choc. Désolée pour lui, la petite chatte baissa les yeux, s'apprêtant presque à s'excuser, ayant peur de l'avoir blessé. S'aurait été le comble : elle vient le voir pour lui faire plaisir et cela tourne au fiasco ! Mais non, il prit la parole et se jeta à l'eau :

"Je ne te laisserais jamais tomber Petite Joie, la vérité c'est que je traverse cette épreuve pour toi, c'est pour toi que je me bats, je ne vois plus ma vie sans ta présence et je serais apprenti bientôt et tu le seras à ton tour et je veillerais sur toi quoi qu'il arrive avec ou sans queue"

Hum, à qui le tour de tomber sur les fesses ? Décidément, cette visite aura eu de nombreux rebondissements... La chatonne tigrée ouvrit puis referma sa bouche plusieurs fois de suite, telle une carpe dans l'eau tentant d'attraper sa proie. Trop étonnée pour parler, elle s'assit face au blessé. Comment prendre ces paroles un peu trop fortes pour une féline de cet âge ? Mais, ne voulant pas vexer Petit Trèfle alors qu'elle pensait -presque- la même chose, elle finit par articuler ces trois mots :

- Oh, Petit Trèfle !

Et elle se jeta dans ses pattes.
[Ahhh c'est mignon x)]

Petit trèfle regarda Petite Joie dans les yeux avant qu'elle ne lui saute dans les pattes, il lui lécha tendrement l'oreille, il était si jeune mais il savait que Petite Joie était plus qu'une amie à ses yeux ils avaient déjà traversés une épreuve ensemble, ce qui les rapprochaient. Il relâcha son étreinte et décida de quitter la tanière, il en avait le droit sa queue avait bien cicatrisé. Il suivit Petite Joie jusque dans la pouponnière et s'installa à ses côtés pour dormir, blotti contre elle en ronronnant,

"Je t'aime beaucoup Petite Joie, merci d'être là"

Il s'endormit et sombra dans ses rêves habituels faits de baptêmes de choses heureuses et de visions de Poussière d'émeraude...

[Fin même si c'est pourri xD]

Le petit chat blanc la regarda dans les yeux, puis lui lécha l'oreille. Ce geste de tendre fit ronronner Petite Joie, conquise. Il la relâcha, comme à contrecoeur et se leva, se dirigeant vers l'entrée de la tanière, manifestement guéri pour de bon. Son coeur fit un bond dans sa poitrine : bientôt, il serait apprenti. L'accident lui semblait loin à présent. C'était un passé très, très, très ancien dont elle peinait presque à se souvenir alors que deux secondes plus tôt elle vous l'aurait raconté comme si c'était hier. Hé oui, c'est ça la mémoire. On a beau être jeune on ne sait plus rien. Elle prit de l'avance sur lui et entra avant lui dans la Pouponnière. La chatonne se coucha, regardant Petit Trèfle se coucher à ses côtés. Il se blottit contre elle comme pour se réchauffer et ronronna :

"Je t'aime beaucoup Petite Joie, merci d'être là"

La petite sourit. Elle le regarda longtemps, plongée dans une méditation admirative qui semblait durer une éternité. Tandis qu'il s'endormait et plongeait dans les abîmes des rêves, elle n'avait pas encore fermé l'oeil. Clignant des yeux, elle finit par bailler. Elle baissa la tête sur ses pattes, et avant de fermer les yeux, elle chuchota à l'oreille de Petit Trèfle :

- Mais de rien, mon amour.

[Mon dieu c'est nul =O Finish ^^]