2 lunes...

Toutes les nuits, elle se réveille. En sueur, trempée, frissonnante, terrorisée. Toutes les nuits, elle hurlait, en se réveillant, de tel sorte que pour ne plus troubler le sommeil des autres reines, elle s'était isolée dans un coin. Toutes les nuits, elle devait écouter le coeur de ses enfants battre pour pouvoir s'endormir. Toutes les nuits, depuis deux lunes. Elle était rongée. Famélique. Mais pour le bonheur de ses enfants, rien ne devait paraître.

Ce matin là, comme toujours, elle a très peu dormi. Au moment même ou elle a ouvert ses yeux, elle jete un oeil a l'endroit près de son corps ou dorment ses filles. Innocentes, les yeux clos. Elles ont le souffle régulié. Leur mère s'étire longuement. Ses muscles endoloris se contractent. Elle baille, découvrant ses crocs blancs comme neige. Un matin comme tous les autres. Les deux boules de poils sont toujours dans les bras de Morphée. L'une pousse légèrement l'autre en dormnt, rien de grave. Elle les sépare du museau. Il ne faudrait pas qu'elle se fassent mal.

~ Si l'une crève l'oeil de l'autre de sa petite griffe... Non, ne pas y penser. ~

L'angoisse est permanente ces derniers temps. La peur qu'il arrive quelque chose a Petite Plante et Petit Eclat. Les seuls personne qu'il lui reste. Si il arrive quelque chose à l'une d'entre elles, qui sait... Elle en mourrait probablement.


Il est midi. Ses filles sont réveillées. Toujour sous la surveillance de leur mère, elle jouent avec les autres chatons. Vigilante. Mais elle détourne les yeux. Trente secondes. La boule de mousse avec laquelle jouaient les chatons roule a l'autre bout du clan. Un seul moment d'inatention... Et l'une d'entre elle disparait. Lorsqu'elle reporte son attention sur les chatons, Petite Plante est partie. Chercher la balle. La panique commence a l'envahir. Et si elle se perdait ? Si il lui arrivait malheur ? Affolée, la mère se lance a la recherche de son enfant. Elle la retrouve au milieu du camp. Comme une maman se doit de le faire, elle sermonne son enfant.

- Ne refais plus jamais ça, jamais ! Je me suis inquiétée. Encore un coup comme ça et tu ne resors plus de la pouponnière tu m'entend ?

Aujourd’hui était une belle journée. Le ciel était couvert par des nuages, certes, mais le soleil arrivait à percer et faisait resplendir la forêt de Cerfblanc. Petite Plante, ce matin-là, s’était éveillée tôt ; et pour cause, sa mère avait fait un cauchemar plutôt turbulent et la petite avait été poussée violemment. Ce n’était pas la première fois que ça arrivait, alors maintenant la principale crainte de la chatonne au moment de se coucher était de se faire écraser par sa maman adorée. La matinée était passée lentement, car les chatons n’avaient pas grand-chose à faire à part téter, dormir et jouer. Petite Plante n’attendait qu’une chose : ses six lunes ! Malgré sa timidité légendaire, elle avait hâte de commencer son apprentissage et d’apprendre plein de choses.

En bref, elle avait passé son temps à regarder les autres chatons jouer, n’osant pas leur demander si elle pouvait se joindre à eux. C’est sa sœur, Petit Eclat, qui l’invita parmi eux quand elle s’était aperçue qu’elle était seule. Petite Plante ne la remercierait jamais assez pour ça, ce n’était pas la première fois qu’elle le faisait en plus. Les jeux de chatons étaient assez farfelus, car ils avaient beaucoup d’imagination. Il y en avait plein, ils en inventaient souvent, n’ayant rien d’autre à faire de leur journée.

Le jeu de cette matinée était assez simple, en fait, bizarrement. Sur ce coup-ci, les petiots ne s’étaient pas trop cassé la tête, même si apparemment, ils s’éclataient ! Tous les chatons faisaient un cercle, sauf un qui était au milieu de ce cercle. Et là, ils s’envoyaient une boule de mousse de part et d’autre du cercle, alors que le chaton du milieu devait essayer de la rattraper en vol. Cette fois-ci, c’était un minuscule chaton au milieu, alors bien sûr, il n’y arrivait pas, le pauvre, Petite Plante eut de la peine pour lui et fit exprès de perdre pour prendre sa place.

Cependant, la chatonne n’était pas très douée pour des jeux aussi étranges et injustes. Elle était elle aussi très petite, alors c’était perdu d’avance. Les moqueries fusèrent, et elle baissa les yeux de honte. Soudain, un chaton, le plus grand, envoya la balle hors de la pouponnière et ce fut à elle d’aller la chercher. Petite Plante en était ravie, elle n’aimait pas rester avec ces imbéciles, et il était rare pour elle d’avoir l’occasion de sortir de la pouponnière.

La boule de mousse avait roulé jusqu’à la réserve de gibier, et celle-ci était carrément à l’opposé de la pouponnière. La chatonne allait donc devoir traverser toute la place centrale pour aller la chercher ! C’était un vrai miracle pour elle. Elle courut rapidement, manquant de se faire bousculer deux ou trois fois par les guerriers en pleine activité. Cela lui faisait bizarre de parcourir une aussi grande distance en courant, elle n’avait jamais eu l’occasion de faire ça avant. Elle en était toute retournée et ses yeux verts brillaient d’émerveillement.

Enfin arrivée, elle se dépêcha de récupérer la balle dans sa bouche et se retourne pour faire face à... Maman qui était hyper énervée.

« Ne refais plus jamais ça, jamais ! Je me suis inquiétée. Encore un coup comme ça et tu ne ressors plus jamais de la pouponnière, tu m’entends ? »

Petite Plante en lâcha sa balle, tellement elle avait eu peur, prise par surprise. Sa maman était vraiment très en colère, jamais elle ne l’avait vu ainsi... La chatonne blanche baissa les yeux et ne lâcha pas du regard ses petites pattes. Elle frissonnait de peur, elle était vraiment effrayée de la punition qui allait suivre. Mais pourtant, je voulais juste chercher la balle ! Mais ça, elle ne saurait jamais le dire à sa mère, car cela l’énerverait certainement encore plus. Elle chercha en vain les mots qui apaiseraient la colère de sa maman, mais elle ne les trouvait pas, tellement le stress l’envahissait.

« O.. Oui, maman, je suis dé... désolée ! »

Je regarde la balle en mousse tomber doucement, comme un oiseau donc on aurait coupé les ailes. Mes yeux suivent la boule, attirée irremediablement par la gravité. Elle touche le sol d'un bruit a peine perceptible. Et rebondit. Tout cela en a peine une seconde.
Petite Plante tremble comme une feuille balottée par le vent. Je la toise d'un air froid. Elle ne me regarde même plus, fixant le sol comme si il allais en sortir quelque chose. Ma froideur me surprend moi même. Je ne suis pas ce genre de mère. A force de trop les protéger, a haïr tout ce qui pourrais leur faire du mal, j'en viens a presque les détestées pour le mal qu'elles peuvent se faire a elles même.
~Reprend toi. Tu n'est pas cette personne. ~

La petite bafouille. Des excuses. Je m'attendris quelque peu. Même si elles sont un danger pour elles, je les aime. Ce sont mes filles. Il me fait confiance, de la Toison Argentée. Veiller sur elles est ma priorité. Alors, je m'approche de mon enfant, la rammène contre moi avec mon museau.

-Je ne veux pas te perdre. Excuse moi.

Petite Plante n’osait pas relever la tête, elle avait peur. De quoi ? De la punition qu’elle allait avoir, bien sûr. Elle n’avait rien à faire là, à côté de la réserve de gibier, alors qu’elle devrait être en train de jouer tranquillement dans la pouponnière avec les autres chatons. Un chaton de deux lunes, petite comme elle l’était en plus, ne pouvait pas se promener dans le camp, comme ça, tout seul ! Elle était trop jeune et pouvait se perdre et sortir du camp sans même s’en rendre compte. Le grand chaton qui a balancé la balle trop loin aurait du aller chercher la balle à sa place, parce que maintenant, et bien, la petite blanche se faisait engueuler !

Une seconde, deux secondes, trois secondes, quatre secondes... La punition ne venait pas. Soit sa mère était tellement en colère qu’elle n’en était pas encore à la phase ‘je vais donner une leçon à ma fille !’, soit elle avait eu pitié d’elle et avait renoncé à l’engueuler. Petite Plante pria dans la tête le clan des Etoiles pour que ce soit la deuxième solution. Quand elle releva la tête – tout doucement, bien sûr – elle vit dans le regard de sa mère qu’elle culpabilisait de l’avoir bousculée ainsi. La chatonne lui fit un minuscule sourire, afin de lui dire de ne pas s’inquiéter, que ce n’était pas grave. La petite savait très bien que sa mère vivait un cauchemar quotidien depuis que leur père, Cœur de Rubis, était mort. Chant du Rossignol n’arrivait pas à faire son deuil, elle ne voulait pas que ses petites soient entraînées par le danger, alors elle les surprotégeaient.

Sa mère la rapprocha d’elle, la couvant du mieux qu’elle pouvait pour la protéger de la petite brise qui s’était levée. Petite Plante grelotta, et sécha les petites larmes qui étaient apparues à ses yeux ; elle n’était plus triste quand sa maman allait bien. Chant du Rossignol souffrait beaucoup de la perte de son bien-aimé, et même si la chatonne n’avait jamais connu son père, elle comprenait le mal-être de sa mère et ressentait elle aussi une sorte de ‘manque’.

« Je ne veux pas te perdre. Excuse-moi. »

En guise de réponse, Petite Plante se contenta de se blottir davantage contre le corps chaud de sa maman et lui lécha le museau. Cela voulait dire que la chatonne l’excusait, pour ceux qui n’avaient pas compris. Après quelques minutes de gros câlin avec sa mère adorée, elle se dégagea de son emprise et lui sourit en la regardant intensément de ses yeux verts émeraude qui lui avaient valu son nom de Petite Plante.

« C’est bon, Maman... Est-ce que... tu m’engueules parce que tu es triste que Papa soit mort ? »